- Fantasy, Merveilleux

La Maison aux pattes de poulet, de GennaRose Nethercott

Genre : Merveilleux.
Première édition : 2024 en VF (Thislefoot, 2022 en VO).
Présentation de l’éditeur : « Séparés depuis l’enfance, Bellatine et Isaac Yaga pensaient ne jamais se revoir. Mais lorsque tous deux apprennent qu’ils vont hériter leur grand-mère ukrainienne, frère et soeur acceptent de se rencontrer. Ils découvrent alors que leur legs n’est ni une propriété ni de l’argent, mais quelque chose de bien étrange : une maison intelligente juchée sur des pattes de poulet. Arrivée de Kyiv, foyer ancestral de la famille Yaga, l’isba est traquée par une entité maléfique : Ombrelongue, qui ne reculera devant aucun acte de violence pour détruire l’héritage de Baba Yaga.
Romancière, folkloriste et poétesse, GennaRose Nethercott a fondé le Traveling Poetry Emporium, une équipe de poètes à louer. Elle vit dans les bois du Vermont, à côté d’un vieux cimetière. »


Ma chronique :

Comment résister à un roman avec ce titre et cette couverture ?

États-Unis, de nos jours. Bellatine et son frère Isaac reçoivent un étrange héritage : une maison aux pattes de poulet, léguée par une aïeule d’Ukraine.

La maison réagit à son environnement, marche, prend peur et court… De quoi a-t-elle peur ?

Pas loin de là, Ombrelongue, mystérieux personnage venant de Russie, pourchasse la maison que le frère et la sœur ont surnommée Pied-de-Chardon. Pendant son périple, Ombrelongue sympathise avec des inconnus au hasard des rencontres, leur propose de partager un verre du flacon qu’il garde sur lui… alcool qui est un poison. Les malheureux, pendant quelques heures, sont sous l’emprise d’une fumée maléfique et cherchent à éliminer ceux dont ils ont peur ou qu’ils envient. La peur, encore une fois.

L’univers qu’a imaginé l’auteure (qui est aussi une poétesse, et le texte le démontre souvent) est à la fois l’Amérique si familière qu’on connaît, et un monde accueillant le merveilleux. Les maisons peuvent « vivre » pour survivre (après l’ouragan Katrina, celles de La Nouvelle-Orléans ont développé des branchies). Donc Pied-de-Chardon ne détonne pas dans ce paysage.

Revenons à Bellatine et Isaac. Héritiers d’une famille de marionnettistes, ils se sont tous deux éloignés de leurs parents. Isaac est un homme pas fiable, roublard, enjôleur, et qui arrive à imiter à la perfection ceux qu’il rencontre, à devenir eux. Il en profite pour dérober leur portefeuille, avant de partir à nouveau sur les routes. Bellatine, elle, est la jeune sœur plus posée et plus stable. Elle a un don avec ses mains. Devenue menuisière, elle aime créer avec ces mains-là. Mais son don vient de plus loin, et provoque l’Embrasement… Elle peut animer des objets. Bella rejette son pouvoir, qu’elle vit comme une malédiction, et le lecteur comprendra rapidement pourquoi.

Et maintenant, d’où vient la maison Pied-de-Chardon, mi-maison mi-animal, si sensible ? Pendant quelques courts chapitres parsemés dans le roman, la maison s’adresse aux lecteurs. Elle nous raconte son histoire, choisit les versions qui lui plaisent, et nous parle de sa première propriétaire, l’ancêtre de Bellatine et Isaac : Baba Yaga et ses deux filles. Nous voilà projetés dans les contes slaves, avec la sorcière Baba Yaga et sa maison aux pattes de poulet. Une des idées de génie de l’auteure est d’avoir fait de Baba Yaga une femme vivant en Ukraine dans une communauté juive entourée de goys, après la Première Guerre mondiale. La vie y est encore paysanne, les contes sont la réalité pour la maison qui nous relate ses souvenirs, et peu à peu on comprend que la tragédie de l’histoire va frapper ce shtetl (village juif).

Bellatine — très attachée à la maison — et Isaac vont vivre une course poursuite à travers les États-Unis, dans une ambiance mi-féérique mi-polar, fuyant Ombrelongue, ce démon du passé. Un autre point fort est les personnages : j’ai beaucoup aimé Isaac, qui pourtant n’a que des défauts ; Bellatine est son miroir ; Ombrelongue est un bon modèle de monstre terrifiant ; et Winnie (que je vous laisse découvrir) est l’équivalent du robot s’éveillant à la conscience et à l’humanité. Sans oublier la maison, bien sûr. Quelques autres thèmes typiques de l’imaginaire sont habillement repris, comme l’importance des noms dont il faut se souvenir, ou les héritages de pouvoirs qu’on accepte ou qu’on rejette.

La tension monte crescendo, et il y aurait beaucoup à dire sur la suite du roman, mais je ne veux pas vous gâcher le plaisir de la découverte. Sachez seulement que j’ai plongé dans l’histoire, et j’ai été parfois très touchée.

Ce livre qui possède une puissance inattendue, puisant dans le folklore traditionnel pour le renouveler. L’auteure n’a pas oublié que les contes servent aussi, et surtout, à transmettre une morale.

Plus que le devoir de mémoire, c’est ici à un besoin de mémoire que nous sommes invités, mais une mémoire à dépasser pour trouver sa voie. Une histoire poétique, où le merveilleux s’oppose au tragique, et où le passé dont on hérite donne les clefs pour affronter le présent.

Un excellent roman pour ce début d’année : original, poétique, puissant, marquant.

Autres chroniques dans la blogosphère : Just A Word, FeydRautha, Tachan, Fantasy à la carte, Gromovar, Célinedanaë, Sometimes a book, le nocher des livres, Tigger Lilly,

4 réflexions au sujet de “La Maison aux pattes de poulet, de GennaRose Nethercott”

  1. Clairement, je vais le lire celui-là cette année. Il me tentait beaucoup (plus que sa couverture, c’est son titre qui m’a s’abord séduite ^^), mais j’en lis pas mal de très bons retours, donc je laisse passer un peu de temps et je m’y mettrai !

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