- Science-Fiction, Anticipation

Composite, d’Olivier Paquet

Genre : Science-Fiction.
Première édition : 2022 en VF.
Présentation de l’éditeur : « Esther réhabilite des espaces naturels à l’aide des traces numériques que nous laissons tous sur la toile sans même y penser.
Quand elle s’aperçoit qu’une vidéo archivée dans son téléphone, datant de son adolescence pendant le confinement du printemps 2020, a été modifiée, elle comprend rapidement que des forces qui la dépassent manipulent nos souvenirs.
Mais se met-on en chasse simplement pour récupérer un balcon fleuri sur une vidéo, alors même qu’une insurrection gronde et menace la démocratie ?
Un roman de politique fiction qui tire sa force émotionnelle de la complexité des relations entre parents et enfants.
À croire que si les machines voulaient notre bien, elles commenceraient par nous libérer de nos familles…
« 

Ma chronique :

France, 2035. Esther est archécologue : elle reconstruit les paysages pollués pour leur redonner une apparence de nature, à partir de photographies-souvenirs qu’ont laissées les internautes sur les réseaux sociaux. Un des réseaux lui envoie une notification : l’anniversaire d’une photographie qu’elle avait enregistrée pendant le confinement de 2020. Elle ne réalisera pas tout de suite que la photographie est modifiée, et même pire que cela : c’est une autre photographie qui a remplacé la sienne. Insensiblement, son comportement avec son compagnon change, elle se sent plus sereine et comprend que son couple est fini, sans tristesse.

Vincent est policier. Fils d’un meurtrier, il passe ses journées avec ses Chéries, des intelligences artificielles qui simulent des jeunes enfants sur les réseaux sociaux pour attirer et détecter les pédophiles. Esther l’a repéré dans les arcanes du monde virtuel et lui apprend qu’une photographie de ses souvenirs a été remplacée, une photographie qui comptait beaucoup pour lui. Sa disparition le changera, tout comme Esther a été changée.

Pendant ce temps, la France est en proie à des manifestations violentes, exacerbées par un internaute anonyme : « D. ». Une colère monte dans le pays, menaçant la Première ministre Adélaïde qui est la cible d’une haine que D attise. Ou plutôt, semble attiser.

Ce récit d’anticipation ne se contente pas d’imaginer la manipulation des données que nous laissons dans l’informatique en nuage (le cloud). Il pousse plus loin et va jusqu’à s’interroger sur les intelligences artificielles qui, peut-être, agiraient de concert. On retrouve ici une thématique déjà abordée dans le précédent roman de l’auteur, Les Machines Fantômes, mais étudiée de manière très différente, puisque ces machines modifient les souvenirs et par-là même les comportements des humains. En bien ? En mal ? Quel est le but ? Les dernières dizaines de pages offrent un grand moment de tension, je n’ai pas pu fermer le livre avant de l’avoir terminé !

J’ajouterai une autre qualité à ce roman : cette manière de capter l’air du temps. La vie quotidienne d’Esther, au début du récit, est formidablement évocatrice et réaliste ; la description de villes moyennes nous plonge dans une province qu’on a tous traversée ; mais surtout la peinture d’un pays où la colère gronde est saisissante, l’emballement de citoyens normaux qui franchissent la ligne rouge est effrayant… et terriblement crédible, si on pense à l’actualité.

Pour terminer, l’auteur nous offre une plume soignée qui sait rester fluide et sert le texte, et choisit d’imaginer un espoir à ses personnages.

Roman dense utilisant les IA comme prétexte à une réflexion sur l’impact de nos souvenirs, sur la construction de nos caractères et nos actes, sur la manipulation et l’emballement collectif, ce livre est avant tout un très bon moment de lecture.

Autres chroniques dans la blogosphère : Gromovar, Yogo / Le Maki, le nocher des livres, Just A Word,

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