- Science-Fiction, Uchronie

Le Maître du Haut Château, de Philip K. Dick

Genre : Science-Fiction (Uchronie).
Première édition : 1970 (The Man in the High Castle, 1962 en VO).
Présentation de l’éditeur : « 1948, fin de la Seconde Guerre mondiale et capitulation des Alliés. Vingt ans plus tard. dans les Etats-Pacifiques d’Amérique sous domination nippone, la vie a repris son cours. L’occupant a apporté avec lui sa philosophie et son art de vivre. A San Francisco, le Yi King, ou Livre des mutations, est devenu un guide spirituel pour de nombreux Américains, tel Robert Chidan, ce petit négociant en objets de collection made in USA. Certains Japonais, comme M Tagomi, dénichent chez lui d’authentiques merveilles. D’ailleurs, que pourrait-il offrir à M Baynes, venu spécialement de Suède pour conclure un contrat commercial avec lui ? Seul le Yi King le sait. Tandis qu’un autre livre, qu’on s’échange sous le manteau, fait également beaucoup parler de lui : Le poids de la sauterelle raconte un monde où les Alliés. en 1945, auraient gagné la Seconde Guerre mondiale… Premier chef-d’oeuvre de son auteur, Le maître du Haut Château fut récompensé dès sa sortie par le prestigieux Prix Hugo.« 

Ma chronique :

Les Nazis et les Japonais ont gagné la Seconde Guerre mondiale.

Début des années 60 : l’Ouest américain est occupé par les Japonais, tandis que l’Est est aux mains des Allemands. Le centre du pays reste délaissé. Pourtant on commence à parler d’un livre écrit par un auteur reclus, qui décrit un monde où les Alliés auraient vaincu et où l’Empire Britannique est plus fort que jamais, domine la Russie, et peut-être envisage une guerre contre les États-Unis… Une Uchronie dans l’uchronie, un roman profondément subversif pour les Allemands et les Japonais.

Nous ne sommes pas dans une ambiance étouffante ou totalitaire. Au contraire, l’auteur a installé son histoire dans son temps (l’Amérique du début des années 60), et je m’imaginais bien dans un film de cette époque se passant sur la côte Ouest des USA. Malgré quelques éléments typiquement SF (les Allemands se sont consacrés à fond à la conquête spatiale après leur victoire et s’apprêtent à aller sur Mars, les entreprises allemandes prospèrent et fabriquent des fusées qui remplacent nos avions), l’ambiance est extrêmement réaliste grâce à des personnages pétris de faiblesses et des gestes du quotidien qui émaillent le récit. À tel point qu’on peut y croire…

Le plus intéressant dans ce roman n’est sans doute pas le scénario lui-même, mais la vision de Philip K Dick sur l’être humain. 

Plusieurs personnages clés s’en remettent à un vieux livre chinois, le Yi King : ils lancent des baguettes, et selon le résultat ils lisent des hexagrammes du Yi King, qui prédit l’avenir et les forces en présence. Ils sont devenus incapables de prendre une décision sans ce jeu de hasard… Au contraire, ils sont convaincus que ce livre trace leur destin. Étrange sensation que de suivre des hommes parfois haut placés ne sachant plus analyser rationnellement une situation, et se sentant dépassés par les événements. Comme si le destin était écrit.

Nous observons aussi plusieurs personnages — pas forcément les mêmes — qui sont continuellement en représentation, et qui ont peur de mal agir ou de se faire mal voir de leurs interlocuteurs. C’est le cas des Japonais, mais aussi d’Américains travaillant pour des Japonais et ayant intégré cette culture typiquement asiatique qui consiste à ne pas faire de vague… Cependant, ce thème est aussi exploré avec des ouvriers américains tentant de se faire une place dans la société en développant une nouvelle activité, et ne sachant comment se comporter face à des acheteurs potentiels.

De façon générale, la description des cultures asiatiques et allemandes est un brin caricaturale, mais certaines choses sont bien vues : dans ce monde, les Japonais sont à première vue très respectueux des Américains et de leur art passé, mais chacun doit rester à sa place dans la société et ces derniers ne sont que des larbins. L’antisémitisme est culturel et a déteint sur les Américains occupés, les Nazis ont génocidé l’Afrique sans que cela n’émeuve grand monde. Quand on y pense, tout ceci paraît très crédible, et parfois pas si éloigné de notre réalité.

D’autres réflexions sont menées sur l’art, l’histoire, la culture, le sentiment d’infériorité. Elles parsèment le roman et nous interrogent sur nos certitudes.
Ce n’est ici que quelques éléments que j’ai relevés dans ce livre, car il mérite au minimum une deuxième lecture pour en saisir toutes les richesses.

Sur la forme, c’est un roman très bien écrit — et très bien traduit — nous offrant un texte fluide et agréable.

Et évidemment, la fin du récit suggère un des thèmes préférés de l’auteur : qu’est-ce que la réalité ? Qu’est-ce que la vérité ?

Autres chroniques dans la blogosphère : Lutin, Xapur, Nevertwhere, Just A Word, Baroona, Lorhkan,

2 réflexions au sujet de “Le Maître du Haut Château, de Philip K. Dick”

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