- Science-Fiction, Planet-Opera

La Porteuse de Mort, de Stark Holborn

Genre : Science-Fiction.
Première édition : 2023 en VF (Ten Low, 2021 en VO).
Présentation de l’éditeur : « Un space western sans temps mort, avec deux héroïnes en acier trempé.
Ancienne médecin militaire, elle répond au nom de Dix Low, car elle a passé dix ans en prison. Depuis la fin de la guerre, elle survit sur Factis, une lune pénitentiaire désertique qu’on dit hantée par une espèce extraterrestre énigmatique et invisible : les Si. Parce qu’elle entretient un rapport particulier, intime, avec les Si, on la surnomme la Porteuse de mort.
Une nuit, Dix Low sauve la seule survivante de l’épave d’un vaisseau spatial qui vient d’être abattu. Première surprise : Gabriella Ortiz n’est pas une adolescente ordinaire. Issue d’un programme de génétique militaire, elle est générale, rien que ça. Plus surprenant encore : le crash n’était pas une attaque opportune, mais une tentative d’assassinat ciblé.
Pour essayer de quitter Factis et échapper à leurs nombreux poursuivants, les deux femmes, issues de camps adverses, mettent de côté leur inimitié et concluent un pacte… qui pourrait bien voler en éclats si Ortiz découvre le rôle véritable que la Porteuse de mort a joué durant la guerre. »

Ma chronique :

Sur la lune Factus, devenue un Far West hostile et désespéré, Dix Low est une ancienne médecin militaire déchue et fugitive. Depuis longtemps, elle sillonne le désert où les bandes dangereuses peuvent surgir à tout moment, dans ce monde manquant d’oxygène et véritable dépotoir des perdants de la civilisation du futur. Dix s’est donné comme mission de sauver des vies qui alimenteront le « Compte » : le compte des vies sauvées. Solidaire et méfiante, elle s’imagine sentir ou entendre des êtres qui influencent la réalité et laissent entrevoir divers avenirs, les Si. Curieusement, les Si, démons invisibles qui provoquent le malheur, sont une croyance répandue sur Factus, mais personne n’ose en parler.

Un jour, Dix découvre une adolescence blessée, survivante d’un crash. La jeune Gabrielle, treize ans, s’avère être une Générale de l’Accord qui gouverne les principales planètes et lutte contre la faction rebelle à laquelle appartenait Dix. Enfant élevée pour devenir officier supérieur, au corps transformé et à l’esprit endoctriné, Gabrielle est un danger pour Dix. Pourtant, la médecin la soigne et l’emmène avec elle vers la ville la plus proche, poussée par son instinct lui dictant d’alimenter encore une fois le Compte. Mais l’Accord veut éliminer Gabrielle : le crash n’était pas un accident.

Dès les premières pages, le lecteur est pris dans un univers évoquant Mad Max, avec plusieurs bandes hostiles et effrayantes pourchassant les voyageurs isolés, et où la vie ne vaut plus grand-chose. Entre les Chercheurs qui tuent pour les organes à vendre, les Pacificateurs ou autres Freux, ce monde de hors-la-loi sans scrupule raccourcit singulièrement l’espérance de vie des habitants et des malchanceux échoués là. Les villes ou fermes accrochées au désert ne sont pas plus des havres de paix que les zones désertiques sans eau et sans ressource.

Dans ce road-movie, Dix renoue avec ses contacts pas toujours fréquentables mais parfois dotés d’une sensibilité et d’une fraternité qui les rend attachants. Menacés par des êtres sans morale et sans limites, Dix et Gabi vont vivre des courses poursuites sans répit et des fusillades nourries. Dans les moments de crise, Dix croit percevoir l’intervention des Si qui manipulent la réalité et font entrevoir plusieurs futurs possibles (on notera la double référence à Philip K. Dick et à Frank Herbert). Dix sombre-t-elle dans la folie ?

Servi par une écriture parfois hallucinée, ce roman atypique vaut pour son univers où les épaves humaines survivent sur une lune aux confins des mondes habités, délaissée par la civilisation, au milieu de la poussière, de la crasse et de la nourriture qu’on ne donnerait pas à des animaux. Le style nerveux de la plume de l’autrice souligne la dureté des personnages marqués par le destin et le danger tapi à chaque tournant. Le lecteur est accroché grâce à des parties courtes et trépidantes, dans une ambiance hors norme et sans concessions, mais avec des touches d’humanité et un dynamisme qui permettent à l’ensemble de rester très plaisant à lire.

Cocktail détonnant, parfois déroutant, ce roman qui effleure le fantastique se dévore. Mariage entre la science-fiction sombre et le western désabusé, bourré d’amphétamine (au sens propre) et de combats à mort, il met en scène une galerie d’âmes oubliées de tous mais un brin déjantées.

Une expérience de lecture : si vous préférez les textes aseptisés, passez votre chemin !

Autres chroniques dans la blogosphère : le nocher des livres, Célinedanaë – au pays des cavetrolls, Anudar,

2 réflexions au sujet de “La Porteuse de Mort, de Stark Holborn”

Laisser un commentaire