- Science-Fiction, Dystopie

Les Monades Urbaines, de Robert Silverberg

Genre : Science-Fiction.
Première édition : 1974 en VF (The World Inside, 1971 en VO).
Présentation de l’éditeur : « En 2381, l’humanité a trouvé une solution à la surpopulation : c’est en se développant verticalement dans des monades urbaines, des tours de mille étages, qu’elle continue de croître. L’altitude détermine le niveau social des habitants, qui quittent rarement leur étage. Au sein de cette société, pandémonium sexuel sans tabou, les hommes semblent nager en plein bonheur. Toutefois, la création, l’imagination et l’individualité y sont considérées comme des notions dangereusement subversives. C’est dans ce monde étrange que vont se croiser les destins de Micael, un électronicien qui rêve d’un monde antérieur, Jason, un historien qui découvre les affres de la jalousie, et Siegmund, un citoyen modèle. Tout se précipite quand Siegmund connaît une  » défaillance  » suite à une descente dans les bas étages. Bientôt, la situation vire au tragique. »

Ma chronique :

Dans ce fix-up (nouvelles réunies pour constituer un roman), l’auteur nous décrit un monde qui se veut idyllique. Évidemment, ce genre littéraire implique que progressivement l’utopie s’avère être une dystopie, le système social devenant un cauchemar pour certains individus.

Au XXIVe siècle, 75 milliards d’êtres humains vivent dans des tours géantes dans un apparent bonheur… qui est obligatoire. Cette société assure le bien-être matériel et veille à ce qu’aucun conflit ne surgisse dans un cadre où les défauts typiquement humains sont réprouvés (envie, jalousie…). Dans cette optique, chaque homme et femme est incité à avoir des relations sexuelles avec l’ensemble de ses congénères dès le plus jeune âge, et l’intimité n’existe pas, afin de favoriser l’entente (pense-t-on). En fait non, ce n’est pas un encouragement. Le lecteur se rend vite compte d’une forme d’injonction à coucher avec d’autres pour assurer le bien-être de tous, tout comme la prescription religieuse à procréer un maximum d’enfants, à tel point que les couples ayant des difficultés à avoir une grande progéniture culpabilisent (les femmes notamment). L’envie personnelle ne compte pas.

Sur ce sujet, le lecteur d’aujourd’hui repérera quelques éléments un brin sexistes (il faut rappeler que le roman date du début des années 70) : la culpabilisation du manque d’enfants revient principalement aux femmes, et ce sont les hommes qui vont vers les femmes pour passer une partie de la nuit, dans un univers où il est impoli de se refuser (comme par hasard). Les femmes ne vont pas vers les hommes.

On peut aussi relier la « philosophie » prétextant que le sexe dès le plus jeune âge apporte le bonheur à certains courants minoritaires qui traversaient la société à l’époque de l’écriture du roman (je précise, à cette étape de la chronique, qu’il s’agit dans le récit de sexe entre enfants consentants, mais fortement encouragé par la société environnante).

Le lecteur commence à sentir un malaise sur ce bonheur obligatoire qui apparaît vite factice, et peu à peu des failles se révèlent. Les volontés individuelles n’ont pas leur place, les drogues sont communes, les classes sociales sont réelles et marquées même si certains peuvent grimper les strates. Certains habitants ressentent le besoin d’autre chose… Mais la société ne peut pas l’accepter.

Même si la religion est très présente et « justifie » la procréation à outrance, je ne peux m’empêcher de penser que c’est une civilisation qui va dans le mur : dans le livre, la Terre est habitée par 75 milliards d’humains et il est estimé qu’elle a des ressources pour en supporter 100 milliards, ce qui laisse quelques générations de « multiplication ». Mais après ?

Si l’ensemble n’est pas dénué d’intérêt, j’ai trouvé les chapitres (ex-nouvelles) très inégaux, ce qui est bien dommage, sans compter parfois une certaine complaisance dans des scènes de délire sexuel.

Autres chroniques dans la blogosphère : le Chien critique, FeydRautha – l’épaule d’Orion, Lorhkan, Zoé prend la plume,

25 réflexions au sujet de “Les Monades Urbaines, de Robert Silverberg”

  1. Ce bouquin je l’ai lu. J’en suis sûr. Il y a longtemps. Très longtemps. Trop longtemps. Certainement lors de sa première parution en poche (1979: J’ai Lu; dixit Noosfere), 40 ans déjà. Je ne me souviens de presque rien le concernant et qui plus est le confond sans arrêt avec « IGH » de Ballard. Et pourtant Silverberg, je l’adore. Je me souviens d’une dystopie basée sur la surpopulation, sur de grandes tours, sur une certaine liberté sexuelle; mais rien de celles et ceux qui, dans ce genre de romans, remontent à contre-courant l’Utopie imposée. Il me faut le relire. Ce n’est pas la première fois que je trouve des réticences critiques à son encontre. Il était sans doute dans l’air du temps d’une autre époque mais çà n’explique pas tout.

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    1. Il y a des choses intéressantes dans ce roman, et il n’est pas certain que l’auteur approuve cette liberté sexuelle absolue qui se révèle sans âme. Mais le roman reste le reflet d’une époque de libération, c’est certain.

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      1. Citation: « il n’est pas certain que l’auteur approuve cette liberté sexuelle absolue »
        >>>> C’est venu dans le déroulé des conséquences nées du postulat de départ, ce à quoi s’ajoute l’époque: 1971 pour la V.O. quand même.

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      2. Jacques Goimard + Claude Aziza in « Encyclopédie de Poche de la SF » Presses Pocket (1986) : « Il ne s’agit que d’une apparence de liberté …[ ] le sexe-panacée n’est en fin de compte qu’une compensation à l’appauvrissement de la qualité de la vie, l’exutoire des frustrations accumulées » page 354

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      1. Généralement les romans de Silverberg me semblent bons. Même s’il est très prolifique, il ne me parait avoir que peu de nanars à son actif. Il est très polyvalent sur le fond et la forme. Je ne me souviens plus avec quoi j’ai commencé le concernant, peut-être « L’homme dans le labyrinthe » ? Sur les franges de la littérature blanche, j’avais adoré « Le seigneur des ténèbres »

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      2. Ah oui c’est ça, je me souvenais qu’il était question de Rome (bon, vu le titre ce n’est pas un exploit!). Je note Le Seigneur des ténèbres, alors. Tu sembles bien connaître la SF, Morganex?

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      3. Après de nombreuses années consacrées trop exclusivement aux littératures de l’Imaginaire je me cherche actuellement d’autres horizons que j’ai délaissé: la littérature générale et d’autres « mauvais genres »: le polar, le policier, la BD… etc !

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  2. Je l’ai lu il y a très longtemps, sans doute entre 1979 et 1980. J’en ai gardé un souvenir ténu mais d’un bon bouquin. Mon roman préféré de Silverberg est Le Château de Lord Valentin que j’ai lu et relu plusieurs fois.

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